Histoire
L'emploi de la paille et de la canne de rotin pour nos sièges a toujours reflété notre manière de vivre, nos traditions et notre histoire à travers les âges.
Certainement plus anciens que les sièges cannés, ce n'est cependant qu'au XVIIIe siècle que l'on retrouve dans certains inventaires trace des sièges paillés, tradition sûrement venue d'Italie où la paille était utilisée depuis le XVIIe siècle. Son utilisation, comme l'auffo (jonc poussant sur les bords de la Durance et du Rhône qui n'est plus récolté maintenant), typique des chaises et fauteuils provençaux, ou la paille de seigle, concourt à la beauté de notre mobilier. Qu'ils soient chaises de petites gens ou fauteuils de notables, rustiques ou raffinés, les sièges paillés ont participé et participent encore à la richesse de nos styles régionaux.
L'histoire de la canne de rotin a été beaucoup plus mouvementée
Rapportée d'Extrême Orient vers 1610 par nos voyageurs découvreurs de la Compagnie des Indes, le commerce de la canne de rotin se faisait avec l'Angleterre et surtout la Hollande, dont les possessions s'étendaient sur une grande partie des Indes orientales et occidentales et de l'Indonésie.
Dès le début du XVIIe siècle, les maîtres menuisiers commencèrent à façonner des sièges que l'on disait foncés de canne (roting selon l'origine néerlandaise), comme dans les chaises à porteurs par exemple. Tout s'arrêta brusquement sous Louis XIV, au moment du conflit qui opposa le Roi à la Maison d'Orange. La rupture des relations commerciales avec la Hollande et l'Angleterre eut pour effet la disparition du "roting". A la mort du Roi Louis XIV, le Régent renoue les relations commerciales. De nouveau, le rotin alimente les ateliers français. Entre temps, les tourneurs avaient quand même maintenu une certaine activité puisque était localisé dans ce qui deviendra le faubourg St Antoine un groupement des « tourneurs qui vendaient des chaises garnies de jonc et de paille ». La vogue du cannage commence alors, pour ne jamais s'arrêter, sauf sous l'Empire, là encore à cause du conflit armé avec l'Angleterre et la Hollande.
Le XVIIIe siècle a été riche d'innovations et de créativité. Les sièges Régence, Louis XV et Louis XVI, avec des signatures devenues célèbres et cotées comme les Jacob, Sene, Cresson, Boulard, Othon, Tilliard etc. font la fierté de nos musées, châteaux, belles demeures et amoureux du patrimoine.
Le XIXe siècle est cependant le très grand siècle du rotin et du cannage. A Paris par exemple, les nouvelles classes montantes de la révolution industrielle, les hommes d'affaires, les hommes politiques, les notables occupent les tous nouveaux appartements haussmanniens et les meublent avec de magnifiques copies de sièges XVIIIe. Si le style Louis-Philippe reste sobre, le style Napoléon III explose dans l'inventivité, l'exubérance, le grandiose, la beauté du savoir-faire, mais aussi, hélas parfois, dans la lourdeur et le pompeux. Les sièges cannés se déclinent en chaises et fauteuils, mais aussi en bergères, duchesses et canapés 2 et 3 places. Les dossiers se font souvent en double cannage. Le cannage soleil, venu d'Angleterre, et le cannage éventail sont très prisés. On canne les têtes et pieds de lits. De petites banquettes cannées prennent place sur les paliers pour se reposer durant la montée des étages. Puis, quand les tous nouveaux ascenseurs apparaîtront, ils seront pourvus de petits strapontins cannés pour pouvoir s'asseoir pendant l'ascension.
Le XXe siècle continue la mode du cannage avec le style Thonet, les styles 1920/1930 et Arts Déco etc. Des copies sont toujours fabriquées. Les formes se font contemporaines. Les structures voient de nouveaux matériaux. Pendant la guerre de 40/45, pour pallier le manque de rotin, est fabriquée industriellement de la canne à base de matière synthétique et de coton. Les années 70 voient l'arrivée du cannage industriel, fait pour garnir des sièges conçus pour lui, mais hélas trop souvent utilisés à mauvais escient, au grand malheur du patrimoine et du métier de canneur qui est galvaudé.
Aujourd'hui, le cannage n'a plus trop la cote. Ayant pourtant fait la fierté et le bonheur de si nombreuses générations, il est maintenant jugé trop fragile, demandant trop d'attention et de précaution pour notre vie rapide et trépidante. Demandant de nombreuses heures de travail, il s'accorde mal à notre quête du "pas cher". Heureusement, jeunes et moins jeunes, de nombreux amoureux de ce patrimoine et de ce savoir-faire font des efforts pour l'entretenir.